Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Poésie Bullesque

Poésie Bullesque
Archives
Derniers commentaires
3 février 2009

Le Dormeur du Val

Francisco_de_Goya___El_tres_de_Mayo

El Tres de Mayo, Francisco Goya

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud

Arthur_Rimbaud

Publicité
2 février 2009

Vengeance

J’ai été trompée, bafouée ;

J’ai été moquée, raillée ;

Aujourd’hui, vous allez le payer,

Tous autant que vous êtes, vous allez le payer.

Je cracherai vos infamies

A travers mes accusations.

Mes mots vous détruiront.

Vous serez punis.

Car vous n’êtes en fait que des lâches

Incapables d’exprimer vos convictions

Autrement que dans mon dos : répulsion ;

Vous n’avez aucun panache.

Vous qui m’avez manipulée,

Aujourd’hui je prend mon envol,

J’arrache ma camisole,

Jamais plus vous ne me mentirez.

Vous qui m’avez jugée

Sans même me connaître,

Je ne suis pas ce que je semble être :

Vous allez le regretter.

Je fais de vous dans ma tête

Exactement ce que je veux.

Vous autres, gangreneux,

N'êtes plus que des marionnettes.

Le_Radeau_de_la_M_duse___Th_odore_G_ricault
Le Radeau de la Méduse, Théodore Géricault

1 février 2009

La Chevelure


Sea Serpents IV, Gustav Klimt

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

Charles Baudelaire

Publicité
Poésie Bullesque
Publicité
Publicité